Un tramway nommé Désir

Il y a tellement longtemps que nos grands-pères l’espéraient, ils en avaient assez de faire les voyages à Nantua à pied en passant par la combe de Léchaud. Nantua, la capitale où tout les obligeait à se rendre : commerce, justice, impôts.

Il y avait bien une diligence pour apporter chaque matin le courrier à Brénod, elle redescendait le soir, mais son horaire ne convenait pas.

On l’a bien sûr oubliée.

Il faut être né depuis longtemps pour se souvenir encore de ce bon vieux tacot à vapeur qui circula pendant près d’un demi-siècle de Nantua à Hauteville.

Il y a près de cent ans sa mise en chantier commença avec une certaine appréhension, il fallait percer la montagne et quelle montagne ! Une montagne de pierre calcaire dure comme de l’acier que l’on attaqua dans les deux sens avec les moyens de l’époque : pics et pioches, wagonnets, barre à mine et dynamite.

Il fallu trois ans aux gens de Corcelles pour rencontrer ceux de Lantenay et découvrir la Combe du Val et aux gens de Lantenay pour pouvoir humer l’air du Plateau.

On vous fait grâce de la pose du plus de 30 kilomètres de voir ferrée avec aiguillages et voies de garage, un travail titanesque tout fait à mains d’hommes.

Enfin le 1ere avril 1912, la première locomotive partie de Nantua tirant 4 wagons et garnie de drapeaux traversait la vallée, les curieux étaient nombreux à Lantenay où l’on doutait encore qu’elle puisse grimper la rude côte de Chaleyriat.

Tout se passa le mieux du monde et la sortie du tunnel fut un triomphe pour les gens du Plateau.

Bien sûr cela coûterait un franc pour aller d’un terminus à l’autre en deuxième classe et quelques centimes de plus en première ! Qu’importe, le tram était installé, tout n’était pas parfait mais il ne passait jamais inaperçu : bergers, laboureurs, bûcherons, nous comptions sur lui pour savoir l’heure, avec un écart de 20 à 30 minutes que nous lui tolérions.

Il connaissait tellement d’imprévus : manœuvrer en gare pour accrocher ou laisser un wagon, refaire le plein d’eau et comme la voie traversait souvent la chaussée et qu’il n’y avait pas de barrière, laisser la priorité à celui qui était engagé : un attelage avec son char, un chargement de sapins, un troupeau… Il faut bien avouer qu’il n’avait pas la précision d’un TGV, mais enfin il passait.

En 1933, victime du progrès, il fallut dire adieu à ce bon vieux tacot.

On abaissa le sol du tunnel, on planta tous les cinquante mètres d’énormes poteaux en ciment armé. La fée électricité sonnait le glas de ce bon serviteur.

A partir de cette date, on ne parla plus de tacot, on voyageait en micheline, des michelines plus claires, plus confortables moins bruyantes portant des noms évocateurs : l’Albarine, l’Oignin, l’Avocat, la Valserine. Ce n’était pas encore le Corail, mais on y venait.

On pouvait mettre son nez à la portière sans craindre les escarbilles, on ne risquait plus de salir son costume marin en allant à la vogue à Lompnés et comme il était plus rapide, il arrivait à grignoter le retard, ce que ne pouvait faire son prédécesseur, souvent essoufflé.

Peut-être parce qu’elle menait trop grand train, en 1954, après s’être bien défendue, notre ligne, la dernière du département fut, elle aussi, supprimée. On se posa des tas de questions, mais déjà la route reprenait le dessus et le règne de la vitesse s’affirmait.

C’est depuis que l’on a commencé à enfermer les poules, à s’y rendre en deux temps pour traverser la route et ne plus laisser les gosses jouer au foot sur la chaussée.

Regagnant son port d’attache en mai 1954, d’énormes gerbes de lilas garnissaient la dernière micheline, son conducteur, actionnant son pimpon tous les cent mètres, sonnait le glas d’un passé qui valait bien notre présent.

Et l’on comprend mieux, pourquoi ceux qui l’avait désiré, ceux qui l’avait utilisé, l’appellent maintenant non plus « Désir » mais « Regret ».

(« Au fil des jours - Histoires du Plateau d’Hauteville-Brénod » contées par Marius GUY alias Quinet)

Petite histoire

du tramway sur Lantenay

Source : les tramways de l’Ain – Henri Domengie.

Au fil des jours – Histoires du Plateau d’Hauteville-Brénod contées par Marius GUY alias Quinet

En 1856, le premier chemin de fer est implanté dans l’Ain.

A Lantenay, tout commence en 1897, alors que le premier réseau n’est pas encore achevé, le Conseil Général décide de donner satisfaction aux élus et aux populations concernées et pour cela de créer le deuxième réseau, dont la ligne Cerdon Ruffieu en passant par Saint Martin du frêne.

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Par la suite, le Conseil Municipal de Lantenay étudie l’avant projet d’une ligne Ruffieu – La Cluse passant par le col de la Lèbe – Cormaranche – Hauteville – La Grange Goyet (commune de Corcelles) et la Combe du Val.

Il propose cependant le tracé par le col de Jalinard – Brénod – Le Cruchon et la Combe du Val.

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En 1899, le préfet demande une subvention de 6 000 francs à la commune, mais le conseil municipal ne l’accordera qu’en contrepartie d’une gare à Lantenay, en faisant face à cette dépense, au moyen de coupes de bois.

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Le 14 novembre 1900, le conseil municipal insiste pour que la ligne du tramway passe par le tunnel de la Chenalette, ce qui diminue le parcours de 4 km et Le Cruchon où il tombe beaucoup de neige et où la circulation serait interrompue pendant au moins 4 mois de l’hiver ainsi que la traversée de la forêt où l’exploitation des bois serait difficile et dangereuse pour le tramway.

Cette ligne serait un peu plus coûteuse pour la construction, mais plus économique et plus sûre.

Le 12 janvier 1902, après plusieurs types de trajets toujours contestés par la commune et avec menace de suppression des subventions, c’est finalement le tracé avec le tunnel de Corcelles à Lantenay qui est retenu.

Décembre 1907

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Début des travaux de la ligne St Martin du frêne – Brénod avec percement du tunnel de Chaleyriat – la Chenalette. Situé à 900 m d’altitude, ce souterrain mesure exactement 965 m de long. Les équipes de travailleurs au sein desquelles se trouvaient bon nombre de Béguélins et Triolins, s’attelèrent à la besogne de chaque côté de la montagne à la rencontre l’une de l’autre mais elles n’eurent pas les mêmes obstacles à vaincre. Tandis que du côté de Lantenay, les ouvriers tombaient sur du rocher et cela pendant plus de 700 m, à l’opposé du côté de Corcelles, les terrassiers rencontraient d’épaisses couches marneuses remplies de poches d’eau.

« …Nous n’avions pas à cette époque, les outils perfectionnés qui mangent la pierre et pulvérisent le roc. Le pic, la pioche, la pelle, la barre à mine et la dangereuse dynamite, étaient nos seuls moyens… »

Le percement a duré 3 ans… Puis vint l’établissement de la voie de 1909 à 1911.

La fin des travaux et l’ouverture au trafic se feront en mars 1912.

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Ouverture au trafic

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« …Enfin le 1er avril 1912, la première locomotive partie de Nantua tirant 4 wagons et garnie de drapeaux traversait la vallée, les curieux étaient nombreux à Lantenay où l’on doutait encore qu’elle puisse grimper la rude côte de Chaleyriat … »

En 1928, le conseil municipal décide la construction du pont du Terray pour la somme de 72 000 francs. Celui-ci a constitué l’unique passage supérieur du réseau.

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Mai 1933 : la ligne est électrifiée

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« … victime du progrès, il fallut dire adieu à ce bon vieux tacot. On abaissa le sol du tunnel, on planta tous les cinquante mètres d’énormes poteaux en ciment armé… »

Les locomotives à vapeur sont remplacées par des tracteurs et automotrices électriques, qui portaient des noms évocateurs : les premiers furent baptisés : l’Oignin, l’Ain et la Valserine.

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Les deuxièmes des noms des sommets : le Colombier, l’Avocat, le Credo, la Faucille, le Crêt de la neige et le Reculet. Cette dernière voiture possédait une suspension plus souple que les autres, ce qui la fit dérailler sur la commune en 1936 peu après sa mise en service.

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Fermeture définitive de ligne du tramway

« …Peut-être parce qu’elle menait trop grand train, en 1954, après s’être bien défendue, notre ligne, la dernière du département fut, elle aussi, supprimée. On se posa des tas de questions, mais déjà la route reprenait le dessus et le règne de la vitesse s’affirmait… »

En 1952, en dépit des déclarations officielles, les résultats d’exploitation de la ligne St Martin – Hauteville apparurent très rapidement déficitaires, le conseil général votera sa suppression et son remplacement par des autocars.

Cela entraîna une vive polémique avec les élus de la région.

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La fermeture définitive de la ligne eu lieu le 22 mai 1954, beaucoup d’émotion pour les gens du village au passage du dernier train. Le matériel roulant fut ferraillé ainsi que le matériel électrique et la voie rapidement déposée.

Aujourd’hui, le tracé de la voie du tram reliant l’entrée du village de Lantenay jusqu’au tunnel de Chaleyriat est apprécié par les randonneurs.

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Plaque en contre bas de la Poste.

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L’entrée du tunnel est fermée pour risques d’éboulements.

 

Adieu à notre tramway

C’est bien vrai… il ne passe plus… il ne passera plus… A mon œil, j’ai essuyé une furtive larme, quand le 22 mai au soir, j’ai vu disparaitre au tournant de la gare de Lantenay, l’ultime micheline électrique qui emportait, tout fané, sur son tampon arrière, le beau bouquet de lilas qu’on lui avait offert le matin,… son dernier matin !

C’était fini.

Depuis, sa voie est demeurée solitaire et silencieuse.

Et nos vaches, étonnées de n’avoir plus de trains à regarder passer, s’aventurent maintenant, songeuses, entre les rails déjà ternis et mordus par la rouille, pour y brouter le foin hâtif qui ose pousser entre leurs traverses.

Une page de l’histoire des tramways de l’Ain, la dernière, est tournée…

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Cher « tacot », adieu !

Tous ses cousins, les tortillards du département, avaient été condamnés ; même son frère de Cerdon n’avait pas échappé à la mort… Lui, on le disait intouchable, invulnérable, tant il mettait d’ardeur, hiver comme été, à grimper nos pentes de Chaleyriat et d’élégance à les descendre, toujours fidèle à son horaire qu’il réglait soigneusement au cadran de notre invariable clocher.

De ses deux notes retentissantes – pan – poum ! – il appelait gentiment, et de fort loin, les voyageurs qui voulaient le prendre… on ne le manquait jamais…

C’est fini.

Il disparait à son tour, victime du progrès. De luxueux cars bleus qui ont la curieuse idée de s’intituler encore : tramways, quoique libres de tous rails, lui succèdent, très silencieux, sur nos routes, promenant leur clientèle dans des sites nouveaux et leur découvrant d’autres aspects à l’intérieur de nos villages… C’est bien gentil de leur part, mais ils ne nous feront pas, pour tout ça, oublier le cher vieux compagnon de nos voyages…

Parlons donc encore un peu de lui.

Et pour être sûr de le bien faire, nous allons interviewer à son sujet l’homme le plus qualifié pour en parler chez nous, Mr Simon Balland, poseur en chef de notre ligne, maintenant retraité, et qui a passé les meilleures années de sa vie, au service et à l’entretien de cet important tronçon des Tramways de l’Ain. Il l’a vu naitre et mourir : il peut en parler avec sureté.

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- La ligne Nantua-Hauteville, nous dit-il, a commencée en nos parages, dès 1907 par l’ouverture du tunnel de la Chenalette. Situé à 900 mètres d’altitude, ce souterrain mesure exactement 965 mètres de longueur… Les deux équipes de travailleurs (au sein desquelles se trouvaient bon nombre de Béguèlins et de Triolins) s’attelèrent à la besogne de chaque côté de la montagne à la rencontre l’une de l’autre, mais elles n’eurent pas les mêmes obstacles à vaincre.

- Comment cela ?

- Tandis que du côté Lantenay les ouvriers tombaient sur du rocher et encore et toujours du rocher, et cela pendant plus de 700 mètres, à l’opposé du côté Corcelles, les terrassiers rencontraient bien vite d’épaisses couches marneuses, remplies de poches d’eau…Et je te gicle ! Et je te gabouille ! Ça n’arrêtait pas !... Il fallut faire la maçonnerie et le cintrage de la voute, au fur et à mesure de la perforation, mètre après mètres, afin de dériver aussitôt les écoulements abondants et arrêter les éboulis…

- Nous n’avions pas à cette époque, nous dit encore Mr Balland, les outils perfectionnés qui de nos jours, mangent la pierre et pulvérisent le roc. Le pic, la pioche, la pelle, la barre à mine, et la dangereuse dynamite étaient nos seuls auxiliaires… Aussi le percement dura t-il trois ans. Quelles suées prises, de part et d’autre au long du boyau noir et mal éclairé, avant que ne se mêlent, à la dernière détonation, l’air de la Combe et celui du Plateau !

- On a dû trinquer fort ce jour-là, Mr Balland ?

- Oh ! Oui, et c’était bien mérité, allez !

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… Puis vint l’établissement de la voie, en 1909 – 1910 – 1911. Chez nous, elle accrocha son ruban d’acier aux pentes pittoresques des Eculaz et de la Sarrazine, et développa sur 4 kilomètres de rampe, à travers bois et clairières, ses innombrables méandres pour accéder sur un talus gigantesque au vaste contour en ¾ de cercle qui longe le Mollard de notre Vierge et s’incurve finalement sur la gare de Lantenay…

- Et quand le train y passa t-il, Mr Balland ?

- Le 1er Avril 1912 ! La voie posée, arriva l’heure de la traction… On peut dire qu’elle fut aussi une… attraction pour les gens de la Combe, curieux et heureux à la fois de voir paraitre chez eux, ce petit train, né le matin à Nantua et qui leur arrivait, tout soufflant, tout fumant, avec trois drapeaux à la lanterne, barrant le ciel de la Combe d’un immense panache de fumée noire, depuis le fond des Eaux-Mortes, jusqu’à Lantenay… mais quand il aborda les rampes de notre territoire ce fut bien pire ! La locomotive noyant ses trois wagons dans un nuage qui obscurcissait le soleil, monta la côte dans un fracas du tonnerre… On eut dit d’un ouragan, moins la vitesse !... mais le train passa, franchit le tunnel, et par Brénod, gagna Hauteville.

La vieille diligence qui, de Brénod, portait le courrier à La Cluse, par Meyriat, était vaincue ! Bientôt le tramway eut son wagon postal et un postier roulant… Quel progrès !

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Mr Balland me rappelle qu’à cette époque, les gens n’étaient pas si difficiles que maintenant…

Dans les wagons de bois, qui cahotaient de leur mieux sur une voie encore mal nivelée, les voyageurs étaient assis face à face sur deux immenses banquettes à lames de bois, très aérés, qui couraient en long, d’un bout à l’autre du véhicule et ils avaient dans le dos, la chanson vibrante des glaces qui tremblaient dans leur châssis avec plus ou moins de vigueur, selon les rugosités du rail…

Sous le tunnel, et la nuit, l’obscurité était vaincue à son tour, par une lampe à pétrole, accrochée dans un coin de la voiture et qui luisait à pleine mèche, avec tant soit peu…d’odeur.

Vaincu aussi, le froid de l’hiver, par un petit fourneau à charbon situé sous le wagon près des roues, et dont le tuyau chauffant, dûment enveloppé d’une tôle grillagée, traversait la voiture, du parquet au toit, dans le coin opposé à la lampe… On n’avait qu’à s’en approcher tour à tour, pour sentir une chaleur sans violence…

Parfois, sur un signe du convoyeur, le train s’arrêtait en plein champ de neige… Rassurez-vous, c’était pour permettre à l’employé d’aller piquer un peu le feu languissant sous la voiture, afin d’avoir plus chaud dedans… C’était gentil tout plein et familial au possible…

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Et puis, il y avait aussi l’arrêt avant le tunnel où la machine, assoiffée depuis Saint Martin, se gorgeait d’une eau jaillissante et limpide… de la bonne eau, je vous prie de croire, puisque les Corcellants l’ont toute mise en bouteilles et s’en régalent maintenant.

Pendant que la locomotive s’abreuvait, on avait le loisir d’aller cueillir des fraises à quelques pas, si c’était l’été, ou de faire des boules de neige si c’était l’hiver.

Nantua-Hauteville, par le rail, ah ! Oui, c’était un beau voyage, surtout quand le trajet s’allongeait de beaucoup de voies de garage où nous promenait la machine en quête de wagons ou désireuse d’en laisser… Et puis, lorsqu’arrivait l’imprévu d’un luisant verglas, et que le sable était épuisé dans sa soute, la machine patinait au sommet d’une montée… et qu’on redescendait tout doucettement, à reculons, sur un ou deux kilomètres pour reprendre de l’élan… ça alors, c’était du luxe !...

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On était au beau temps où le voyage Brénod-La Cluse, avec toutes ces variétés, coûtait 0fr.65 centimes, en seconde, et 0fr.95 en première… Et l’on fonçait au moins à 18 à l’heure !

Cela durait depuis vingt et un ans, comme ça, quand soudain la fée électricité apparut… En 1933, la ligne fut électrifiée et Mr Balland dut veiller à la révision de la voie, puis travailler de nouveau au tunnel où le sol fut baissé de 70 centimètres, afin que le souterrain puisse engouffrer la voiture et son haut pantographe pliant…

Cette fois il fallait dire adieu au vieux tacot devenu poussif et délaisser ses banquettes à claire-voie pour s’installer bourgeoisement sur des fauteuils à ressort au sein d’une lumière éblouissante et d’une atmosphère presque trop chaude, émanée de radiateurs invisibles et qui vous chauffaient les pieds, les jambes, le dos, tout… et cela dans des voitures plus glissantes que roulantes sur une voie devenue impeccable, grâce au travail et à la surveillance constante de notre interlocuteur.

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- Pour ça, nous dit-il, je connais mon métier et je l’ai aimé… j’ai bloqué toutes les traverses de mon canton ; et j’en connais tous les coussinets et les tire-fond… Quand au ballast, je l’ai travaillé sans arrêt depuis plus de vingt ans.

- Le seul reproche qu’on pourrait faire à ce tramway, lui ai-je dit, est tout à son honneur et au vôtre… C’est qu’on était à peine assis dedans, qu’il fallait déjà le quitter, tellement sa vitesse avait progressée … Nous montions Chaleyriat à 40 à l’heure !

C’était trop beau... Et ça n’a pas duré, hélas !

Ah ! Je comprends le bouquet de lilas !... Il dit à sa manière tout ce que nous perdrons, en perdant notre ligne. Les jolis cars bleus parviendront-ils à nous consoler ? On verra ça cet hiver, quand Dame Bise aura posé son tapis de verglas sur nos routes…

En tout cas, si jamais la douceur des cars chaussés de caoutchouc arrivait à nous faire oublier la sûre et confortable voiture chaussée de fer, jamais du moins elle ne nous fera perdre le souvenir de ceux et celles qui en furent les animateurs, les poseurs et leurs chefs, les anciens mécaniciens et chauffeurs, les électriciens et les conducteurs, les employés et les postiers, le personnel féminin des gares dont la compétence et la serviabilité – plus que cela – dont l’amabilité et la patience nous ont rendu la vie plus douce pendant 42 ans, surtout aux heures sombres des deux guerres.

Et ne faut-il pas, en terminant, rendre un hommage mérité aux receveuses de nos gares d’Outriaz et de Lantenay pour leur accueil souriant aux guichets, durant de longues années, Mme Célina Cottet et Clémentine Besson, sans oublier Mlle Marguerite Vellas, qui de jour et de nuit a été la providence des voyageurs présents, passés et futurs de la ligne Nantua-Hauteville…

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Oui, à tous et toutes, notre merci, avec le bouquet qui ne se fane pas : celui de la reconnaissance.

Et maintenant que l’ère électrique de tramway fait place à l’ère pneumatique, l’Echo salue cordialement les cars bleus et leurs aimables chauffeurs.

Que la route soit ouverte, en hiver, et favorable en toutes saisons !

Louis Saint-Cyr

Echo paroissial – juillet 1954

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